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[ chroniques d'un quotidien mi-figue mi-raisin ]

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  • Photo du rédacteurmandale douce

Crash texte #2 Perdre les dédales (et bouffer du lichen)

Il se fait que j’ai un peu de temps pour moi en ce moment. Voilà longtemps que je n’ai pas eu le contrôle total de mes journées. Et, il me faut l’avouer, j’ai pas l’impression d’être la pilote de l’année.

Lettrages et illustrations: Pavé

Je prends maintenant la mesure de la difficulté d’être son propre moteur à actions rentables. Pas rentable façon trading, on s'entend. Mais ce temps béni, je peux pas m’empêcher de vouloir en faire quelque chose, que ça ne soit pas juste de l’oisiveté du type je reste en pyj all day long et j’enchaîne les contenus YouTube plus que discutables, constitués à 75 % de chats obèses qui essaient de grimper sur un lit, une commode ou une planche à repasser (oui car j’aime quand même la diversité).


Du coup, y avait eu quelques belles journées en novembre (tu te souviens? quand tu sentais encore tes doigts et que tes narines étaient pas pelées par ton mouchoir aromatisé à la menthe? ben c’était à ce moment-là) et ça m’a donné envie de sortir de mes 4 murs et de tenter une expérience assez jackass,

Faire une balade en forêt. TOUTE SEULE. Oué.

J’ai eu comme une envie soudaine d’entendre mes chaussures faire froutch froutch (sic) dans les feuilles, de me laisser engloutir par la campagne de proximité, la campagne pas assez sauvage pour avoir les jambes cotonneuses, mais bien assez pour avoir l’impression d’avoir vécu une expérience en communion avec la nature (cte blague frère).


C’est donc pleine d’allant que je prépare mon petit sac à dos, une gourdasse d’eau, 2 mandarines, mon portefeuille (ça peut servir s’il faut identifier mon corps à moité dévoré par un blaireau d’ici 3 semaines) & des mouchoirs (sans menthe, c’est bon j’ai assez morflé).


Je gare ma voiture à l’orée de la dite forêt, juste à côté d’un cimetière. Ok. Je commence à avoir des doutes, mais j’y vais. Et parce que je crains moins d’être un pur cliché que le silence absolu, je me fous mes écouteurs et entame mes 22 podcasts de développement personnel téléchargés au préalable.

Au bout de 250 mètres, je peux quand même pas m’empêcher de ressentir comme un malaise. De m’en retourner dans mes vieux clichés victimisants et le flot de pensées assorti "chui une fille, toute seule, dans la forêt, je mets ma vie en péril ou bien? J’aurais ptêtre dû prévenir quelqu’un de mon projet. C’est quoi ce bruit dans les fourrés? Faut que j’arrête de regarder les enquêtes impossibles de Pierre Bellemare ça m’empêche de voir le monde positivement." En gros.

Passé ce stade de petit effroi, j’ai bon. J’ai vraiment bon. C’est un moment parfait. La lumière, les couleurs mordorées, la meuf dans le tympan qui me dit que ça va daller, le tout sans stratégie du winner... La contemplation me berce, l’effort m’exalte, un combo grisant dans lequel je me glisse avec délectation.


Je finis ma balade. Je rejoins ma voiture. Je rentre, me fait un chocolat chaud et un bain de pieds, l’esprit rasséréné et plein de positivité pour la suite.

Ça aurait pu se terminer comme ça.

Maiiiis, si tu commences à me connaître, tu sais qu’avec la mandale y’a todî une couille dans le gaspacho.

Si vous voulez la version censurée vous pouvez vous arrêter ici. Sinon, la vraie vie commence ici.

Je sors de ma jungle apprivoisée. Je me retrouve sur une route bétonnée avec des voitures en rafale. Je n’ai passé que 40 minutes en forêt et c’est comme si j’opérais un brutal retour à la civilisation. Le bruit m’agresse et je n’arrive plus à entendre ce que la madame me dit dans le tympan pour continuer à croire en ma lumière intérieure. À gauche ou à droite? Selon ma logique, je pense que pour rejoindre mon véhicule, suffit de passer par là, là et là. Superfastoche.

Non. Tu n’y étais pas ma grande, t’as juste pris la route opposée. Bravo, tu ne doutes plus de ta légitimité mais s’agirait de suivre un MOOC en orientation dans l’espace.

Pour te la faire courte, la petite marche s’est transformée en une rando de 3h.


Épopée durant laquelle, la vie est si cocasse, je suis repassée presque devant chez moi. Haem. J’ai réellement pensé abandonner à cet instant. Mais un petit dialogue interne à base de "Roaarff est-ce que j’ai vraiment besoin d’une voiture au fond? Oui ? Ok je continue alors" a vite résolu mon dilemme.


Je marche.


Après, j’ai grimpé une pente au dénivelé qui, d’après mes calculs, devait être la verticale absolue du noyau de la terre-mère, à 3-4 % près.


Je ventile.


Les voitures me frôlent, les conducteurs doivent se demander ce que je suis en train de faire. Avec mon sac à dos ridicule, j’ai l’air d’une ado en fugue qui écoute System of a Down dans sa chambre.

Je marche.


J’hésite à faire du stop, mais, privée de mon coach audio, je n’ai que mes peurs irrationnelles pour guide. Tous les navetteurs sont au mieux des meurtriers, au pire des psychopathes en puissance.


Je marche.

Je tente de couper par la forêt, mais il est 16h42, il commence à faire sombre, j’ai peur de me perdre à nouveau. Je rejoins l’asphalte, ça pue mais c’est du connu, j’ai de toute façon dépassé le stade de la sortie agréable au moment où j’ai merdé l’orientation.


Je marche.


Suprême de l’absurde, je me retrouve même à devoir longer la nationale. Oui, vraiment, les balades, je sais quoi faire pour les rendre mémorables.


Je marche, et je commence à trébucher.


Je manque de peu l’obscurité totale quand je retrouve mon fidèle destrier, je rejoins enfin mes pénates, m’écroule dans le divan et me fais la totale boisson chaude, couverture, musique réconfortante tant attendue.



Et pis tu sais quoi?


Je peux pas m’empêcher de sourire, d’être toute exaltée.


Ça valait le coup, tout. J’aurais rien voulu faire différemment.


Et j’ai pas du tout le sentiment d’avoir perdu mon temps.


À la revoyure.

Et à la vôtre!

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