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[ chroniques d'un quotidien mi-figue mi-raisin ]

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  • Photo du rédacteurmandale douce

Leçon #9 Je suis pas une meuf yoga (mais je persiste)

Dernière mise à jour : 24 nov. 2019

Je m’en suis pas rendu compte tout de suite, mais j’ai quand même un passif notable avec le yoga.

Illustration: Pavé
La première fois, c’était quand je pouvais me permettre de ne mettre qu’une seule couche d’anti-cernes.

J’avais un taf horrible dans un open-space (pas celui dans les bureaux acajou, un autre, j’ai eu quelques démêlés avec le monde du travail), je devais appeler à longueur de journée des grosses marques espagnoles pour m’assurer qu’elles avaient toujours le même numéro de téléphone.


Entre les coups, et parce que je pensais que ça amenait un équilibre à ma vie, j’avais un abonnement chez Basic Fit (repentir). Ma quête de sens était au plus bas à ce moment-là. J’avais essayé un cours de yoga, une fois, par erreur, avais juste gloussé en entendant l’appellation de certaines postures comme seules les jeunes filles à une couche d’anti-cernes peuvent le faire, et m’en étais retournée à ma vie de phoneuse désabusée.


La seconde fois, bien des années plus tard, c’est une colline (mi-collègue, mi-copine, mais ça veut pas forcément dire que la proportion d’affection est aussi manichéenne <3) qui me parlait du bien que lui procurait son cours yoga et qui m’a convaincue de l’y accompagner.


Bon, au final, la prof, elle était pas là. Ça aurait pu s’arrêter là, mais comme on avait fait de la route et tout, ma colline, elle a tenté de le faire elle-même, de me montrer ce à quoi ça pouvait ressembler, ce que ça pouvait faire ressentir. Évidemment, j’ai adoré. Mais je n’ai pas blâmé le yoga pour ça. Ma béatitude, voire ma gratitude, étaient surtout tournées vers le moment en lui-même.


Le troisième épisode s’est déroulé lorsque j’étais au choimage. Comme tu le sais, je ne savais plus comment gérer tout ce temps à disposition, je me baladais (et me perdais), je faisais mes courses (plus Colruyt à ce moment-là, débuts de droits toi-même tu sais) et j’étais en recherche de tout ce qui pouvait interrompre le flux abondant de mes saignées mentales.


J’ai misé mon legging percé sur le Yoga, je me suis persuadée qu’acquérir de la souplesse et du calme ferait de moi une meilleure personne, que je pourrais enfin devenir cette nana qui s’envoie un citron chaud à 6h du mat’ dans un gros pull en laine.


Je ne sais pas pourquoi, j’étais obsédée par la souplesse. J’avais oublié à quel point j’en manquais. Juste en essayant de m’asseoir en position du lotus, je me suis souvenue des cours de gym et de l’odeur de plinth, des moments d’étirement où la prof poussait sur mon dos pour que j’atteigne mes orteils, enfin mes chevilles… bon ok mes genoux.


Putain. J’ai jamais été souple. Mon corps on dirait il a pas de tendons, que des empilades d’os non-ergonomes. Moi, Mandale D., 1m56, rigida comme jaja.

Du coup, la posture 1, celle qui est juste l’amorce de toutes les autres, celle dans laquelle tu est censé MÉDITER (non mais je hurle), elle est déjà insupportable. Mais je me décourage pas, car je l’ai décidé et le clame comme un mantra je vais être souple dans mon corps pour l’être plus dans ma tête (tendresse-pitié pour moi-même avec la tête penchée, merci de coopérer).


Comme je peux pas m’inscrire dans un cours, parce que je vais déjà au Colruyt, c’est mon gars sûr YouTube qui, comme souvent, m’épaulera dans ce cheminement. Je sais, cette phrase est problématique.


Je me mets au défi de me faire une séance de yoga par jour pendant 1 mois. Ce genre de challenge pullule sur YouTube, pas autant que les vidéos de pets qui s’enflamment, mais quand même.


Des défis, j’ai l’impression que je m’en lance jamais, ou alors seulement dans ma tête. Comme ça, après, personne y sait que j’abandonne.

Sans suspense, je suis allée au bout du défi, mais plutôt en 45-50 jours. Jusqu’à commencer à interagir avec la prof, et pas qu’avec des mots gentils. La nana, elle passait son temps à dire faites la posture de la manière la plus confortable pour vous, ne forcez pas avec un sourire en grosses dents et son orteil près de sa narine gauche.


Tout ça sans savoir que, de l’autre côté de l’écran, elle avait quelqu’un de frustrée en diable de même pas pouvoir faire les postures adaptées aux nuls. Nulle, je me suis sentie… Nulle. J’ai vraiment bien capté tout ce que la philosophie yoga veut incarner, en somme. Et je vous parle même pas de la méditation. Bon. J’ai peut-être juste pas misé sur le bon cheval.


Je sais pas pourquoi je continue à penser que le yoga et moi avons quelque chose à faire ensemble, dans n’importe quelle autre situation de la vie, quand tu as autant de signes contraires à ce que tu tentes d’entreprendre, tu rebrousses chemin.


Posture "diversion cambrée", utile pour éviter de parler des vrais trucs

[DÉBUT DIGRESSION]

À une époque, je faisais de la course, ça me faisait du bien, on me disait tu verras, tu finiras par être addict. Ça n’est jamais arrivé. J’ai attendu, attendu, jusqu’à ce que mes rotules capitulent. La lampe frontale et les baskets sont retournées au placard. L’addiction ne veut pas de moi. J’ai même pas réussi à être accro à la clope. Je dois avoir la dopamine blasée. Si ça tombe, je suis un cas d’étude et je le sais même pas.

[FIN DIGRESSION]


Bref.


Le dernier épisode, et le plus récent, s’est joué il y a quelques semaines. Je prends mes marques dans un nouveau lieu de vie, je m’inscris à des cours de sport pas loin de chez moi. Le mardi, y a renforcement musculaire et yoga ensuite. Je me dis qu’avoir une vraie prof, ça va d’office changer la donne.


J’arrive pour le premier cours, le gars de la première heure est une caricature sympathique du prof de sport qui sait qu’il va avoir affaire à un max de nanas. Tout moulé dans une combi legging, muni d’une serviette avec une tête-de-mort en strass, la barbe rasée de près (et le reste du corps aussi), une grosse dose de gel et d’after shave, il fait quelques tractions en attendant que tout le monde s’installe.


Je pouffe intérieurement. La première heure terminée, je vois arriver une dame un peu plus âgée en sarouel et enturbannée dans une grosse écharpe. C’est elle, d’office pense-je.


Ma banque de données bien organisée de stéréotypes s’est pris une grosse rouste dans le chignon quand j’ai réalisé que monsieur moulax allait, en réalité, assurer aussi le cours suivant. De yoga donc. Whaaaaaaat ? Et mon citron chaud ? Et mon pull en laine ?

Il nous invite à mettre les tapis en rond et se place au milieu pour commencer à nous donner quelques instructions. Sa posture et son débit de parole me font penser à un entraîneur de foot qui prépare ses joueurs à un tacle de l’équipe adverse: Bon, on est ici pour atteindre la plénitude, d’accord ? On va chasser les pensées négatives et libérer le mental, ok ? Ouais coach.


Mon cœur en carton plume a quand même un peu frémi quand, d’un coup, il s’arrête de parler, se dirige vers un tapis et le replace en grommelant que la façon dont il est placé n’est pas feng shui. Ok, je te laisse une chance moulino.


Il éteint les lumières de la salle, je suis au comble de la curiosité. Je ne sais pas encore que ce cours de yoga sera de l’audio guide du début à la fin. Il n’exécute quasi aucune posture (peut-être craint-il de craquer son legging hyper ajusté), et pilote nos mouvements avec sa voix.


Je continue depuis à assister à son cours, toujours un peu circonspecte, mais avec entrain tout de même. Je ne constate toujours aucune amélioration de ma souplesse et ne parviens toujours pas à méditer, probablement parce que lors des derniers cours je pensais trop à ce que j’allais écrire dessus...

Voilà, si ça tombe, mon rapport au yoga aura toujours un peu l’air d’une boutade, toujours un peu en décalage avec l’imagerie absolue que l’on m’a ou que je me suis imposé de cette pratique.


J’écoute la radio distraitement, j’entends un mec dire que la souplesse, même si on peut la travailler, est une prédisposition génétique. Aaaah. Plénigratitude.

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